Les mesures de protection

Le passage à la majorité d’une personne handicapée mentale soulève une interrogation forte : cette personne, désormais majeure, est-elle à même d’assumer seule l’exercice de ses droits, sachant que l’autorité parentale a pris fin ?

Dans la négative, une mesure de protection juridique peut être envisagée. Sa nature, son étendue ou sa durée vont dépendre de la situation personnelle et du degré du handicap de la personne à protéger.

C’est pourquoi le droit français a créé quatre régimes de protection: la sauvegarde de justicela tutelle et la curatelle.

Compte tenu de leur caractère attentatoire aux libertés fondamentales, les mesures de protection émanent toujours (sauf cas particulier de la sauvegarde par déclaration médicale) d’une décision de justice prononcée par un magistrat : le juge des tutelles. En amont, la protection suppose néanmoins une requête de recevabilité. Elle répond à des règles strictes et nécessite une réflexion préalable sur le choix du tuteur ou du curateur le plus adapté à la situation et à la personne concernée.

Qui peut être protégé ?

Une mesure de protection est organisée au profit d’une personne majeure lorsqu’une altération de ses facultés mentales la met dans l’impossibilité de pourvoir seule à ses intérêts, et que cette altération est médicalement constatée.

Les mesures de protection se trouvent donc encadrées, d’une part, par la constatation médicale de l’altération des facultés mentales de la personne et, d’autre part, par l’appréciation judiciaire de son besoin d’être représentée ou assistée.

Si la constatation de l’altération des facultés mentales est un préalable obligatoire, elle n’est pas suffisante pour valider la décision d’une mesure de protection. En effet, le juge doit considérer que la personne majeure ne peut pas pourvoir seule à ses intérêts, mais il doit également vérifier qu’il n’existe pas de solutions alternatives à la mise en place d’une mesure de protection (par exemple : procuration bancaire, pouvoirs conférés aux époux, désignation d’une personne de confiance, etc.), cette dernière devant être considérée comme l’ultime recours.

La mesure de sauvegarde de justice

La sauvegarde de justice est un régime de protection temporaire qui, tout en laissant au majeur sa capacité juridique et la libre gestion de ses intérêts patrimoniaux, le protège des actes qu’il aurait inconsidérément réalisés ou accomplit ceux qu’il aurait négligé d’effectuer.

A qui est-elle destinée ?

Destinée aux personnes qui n’ont qu’une altération provisoire de leurs facultés, par exemple un état de coma causé par un accident, la sauvegarde de justice est donc relativement peu appropriée pour les personnes majeures handicapées mentales qui, elles, ont souvent plus besoin d’une protection durable, voire définitive. Toutefois la mise en place d’une sauvegarde peut être intéressante dans l’attente du jugement d’une tutelle ou curatelle.

Comment ça marche ?

Les actes passés par un majeur placé sous sauvegarde demeurent, en principe, valables, mais peuvent, pendant cinq ans, être « rescindés pour lésion » (annulés) ou « réduits pour excès » dès lors qu’il peut être établi que le majeur était placé sous sauvegarde de justice au moment de la conclusion du contrat.

L’action en rescision pour lésion nécessite d’apporter la preuve que l’intéressé a été lésé, par exemple lorsqu’il a acquis un bien à un prix excessif ou a vendu un bien à un prix dérisoire.

L’action en réduction pour excès permet, dès lors qu’est rapportée la preuve d’une disproportion entre l’engagement souscrit par le majeur placé sous sauvegarde de justice et ses ressources ou ses besoins, de ramener l’acte excessif à de plus justes limites par rapport à sa fortune.

La mise sous tutelle

La mesure de tutelle s’adresse à une personne qui ne peut, de manière générale, agir seule et a besoin d’être représentée dans les actes de la vie civile.

Nommé par le juge des tutelles, le tuteur doit assurer tant la protection de la personne que celle de ses biens.

Les responsabilités du tuteur

Dans cette perspective, le tuteur peut passer seul, au nom du majeur protégé, les actes dits d’administration, à savoir ceux du quotidien. Sont ainsi concernés les actes de gestion courante, comme le règlement des dettes certaines, l’encaissement des revenus, le recouvrement des créances, la gestion de contrats d’assurance, les achats et dépenses nécessaires à l’entretien du majeur protégé ou encore bien sûr l’exécution de ses obligations alimentaires.
Chaque année, le tuteur doit, dans un souci de transparence, rendre un compte annuel de gestion de tutelle.

Le statut des actes du majeur protégé

Une fois la mesure de tutelle prononcée, tous les actes passés par le majeur protégé sont nuls de plein droit, assurant ainsi une protection totale de son patrimoine. Toutefois, le juge peut individualiser la mesure de tutelle en autorisant le majeur sous tutelle à accomplir seul, ou avec l’assistance de son tuteur, un certain nombre d’actes qu’il aura pris le soin de préciser.

Les actes de disposition

Les actes de disposition sont des actes aux conséquences plus engageantes que ceux du quotidien, pour lesquels le tuteur doit obtenir l’accord préalable du juge des tutelles. 

Sont notamment rangés dans cette catégorie les cessions, acquisitions, et échanges de droits immobiliers, l’acceptation, la renonciation et la liquidation d’une succession, la conclusion d’un bail de plus de neuf ans, la vente de fonds de commerce, l’achat et la vente d’un immeuble ou de meubles de valeur, l’emprunt, le placement des capitaux, etc.

La curatelle

Le régime de la curatelle se différencie de la mesure de tutelle dans le sens où il est destiné à protéger un majeur qui, sans être hors d’état d’agir par lui-même, a besoin d’être conseillé ou contrôlé dans les actes de la vie civile.

Par conséquent, le majeur sous curatelle exerce seul ses droits dès lors qu’il s’agit d’un acte d’administration. En revanche, pour les actes de disposition, l’assistance du curateur est requise sous peine de nullité de l’acte. Toutefois, comme pour la tutelle, le juge peut moduler l’étendue de la mesure soit en renforçant la mesure de curatelle classique soit en l’allégeant. Comme le tuteur, le curateur est nommé par le juge des tutelles.

Qui demande une mesure de protection ?

Afin de limiter les demandes de mise sous protection juridique fantaisistes ou abusives, les personnes autorisées à saisir le juge des tutelles d’une demande de mise sous protection sont le majeur à protéger lui-même, son conjoint, ses ascendants, ses descendants, ses frères et sœurs et le procureur de la République, mais aussi depuis le 1erjanvier 2009 le concubin, le partenaire pacsé, les parents sans limitation de degré de parenté, les alliés ainsi que les personnes entretenant avec le majeur des liens étroits et stables.
Toutes les autres personnes doivent s’adresser au procureur qui apprécie l’opportunité de saisir ou non le juge des tutelles.

Comment l’obtenir ?

Le constat médical

Le juge des tutelles ne peut prononcer l’ouverture d’une mesure de protection que si l’altération des facultés mentales a été constatée par un certificat d’un médecin spécialiste.

Il faut entendre par médecin spécialiste celui qui figure sur une liste officielle comprenant les médecins habilités à délivrer un tel certificat, et qui est « agréé » comme le stipule la loi du 5 mars 2007. Cette liste réunit des psychiatres, des gériatres, des traumatologues, des généralistes, des neurologues, tantôt libéraux tantôt hospitaliers. Elle est établie chaque année par le procureur de la République après consultation du Préfet, et tenue à la disposition des requérants dans chaque greffe de tribunal d’instance.

Le certificat du médecin agréé doit être circonstancié et oblige donc le médecin à se prononcer sur plusieurs points. Il doit décrire avec précision l’altération des facultés personnelles du majeur et donner au juge tout élément d’information sur l’évolution prévisible de cette altération. Il doit aussi préciser les conséquences de cette altération sur la nécessité d’une assistance ou d’une représentation dans les actes de la vie civile, tant patrimoniaux que personnels, ainsi que sur l’exercice du droit de vote. Attention les honoraires plafonnés à 160 euros ne peuvent donner lieu à un remboursement de la sécurité sociale.

La formulation de la requête

Il faut formuler une requête aux fins de mise sous protection juridique, qui doit être envoyée au juge des tutelles du tribunal d’instance du ressort du domicile de la personne à protéger.

Pour être recevable, outre la nécessité du certificat médical, la requête doit mentionner l’identité de la personne à protéger, énoncer précisément les circonstances qui motivent cette protection, énumérer ses proches parents dont l’existence est connue en mentionnant leur nom et leur adresse, et indiquer les coordonnées du médecin traitant.

Recommandations

Pour accélérer le traitement de la demande, il est recommandé de fournir :

  • la copie intégrale de l’acte de naissance de l’intéressé, afin de vérifier l’absence de la mention « répertoire civil » qui révèle qu’une mesure de protection est déjà instituée ;
  • un certificat émanant de son médecin traitant, pour connaître son avis sur le type de mesure de protection à mettre en place (tutelle ou curatelle).

En moyenne, une procédure dure six mois.

Quel tuteur ou curateur d’un majeur protégé ?

Priorité à la compagne ou au compagnon

Le conjoint, le pacsé ou le concubin doivent être désignés prioritairement comme tuteur de leur épouse ou époux lorsque le majeur protégé est marié.

Cette priorité n’est plus justifiée s’il n’y a plus communauté de vie ou s’il est de l’intérêt du majeur protégé, selon le juge, de désigner une autre personne.

Le choix d’un autre proche

En absence de compagne ou de compagnon de vie, la préférence quant au choix d’un tuteur ou d’un curateur d’une personne à protéger revient toujours aux parents et aux alliés.

Depuis le 1er janvier 2009, un proche peut également être désigné dès lors qu’il réside avec le majeur à protéger et entretient avec lui des liens étroits et stables. Désormais, le juge des tutelles peut, pour une unique personne à protéger, nommer plusieurs tuteurs ou curateurs.

Le tuteur extra familial

Lorsqu’aucun membre de la famille ou aucun proche ne peut assumer la curatelle ou la tutelle, le juge désigne un tuteur extra familial appelé « mandataire judiciaire à la protection des majeurs ».

Le mandat de protection future

Toute personne majeure ou mineure émancipée ne faisant pas l’objet d’une mesure de tutelle ou d’une habilitation familiale peut désigner à l’avance une ou plusieurs personnes (mandataires :
personnes qui ont reçu le mandat ou la procuration pour représenter son mandant dans un acte juridique) pour la représenter.

Le jour où le mandant( personne qui, par un mandat, donne à une autre ,le mandataire, le pouvoir de la représenter dans un acte juridique) ne sera plus en état, physique ou mental, de pourvoir seul à ses intérêts, le mandataire pourra protéger les intérêts personnels et/ou patrimoniaux du mandant.

Les parents peuvent aussi utiliser le mandat pour leur enfant souffrant de handicap.

Le mandat ne fait perdre ni droits ni capacité juridique au mandant. Il permet au mandataire d’agir à la place et au nom des intérêts du mandant. Si l’état du mandant le permet, le mandataire doit informer le mandant des actes qu’il diligente en son nom ou dans son intérêt. 

Formalités à accomplir 

Le mandant choisit si le mandat prend la forme :

  • soit d’un acte notarié ;
  • soit d’un acte sous seing privé.

Date d’effet du mandat de protection future

Lorsque le mandataire constate que l’état de santé du mandant ne lui permet plus de prendre soin de sa personne ou de s’occuper de ses affaires, il effectue les démarches nécessaires pour que le mandat prenne effet.

Cette constatation, qui est la charge du mandant, doit être établie par un médecin inscrit sur une liste établie par le procureur de la République (liste disponible dans les tribunaux d’instance).

La responsabilité du mandataire peut être mise en cause en cas de mauvaise exécution, d’insuffisance ou de faute dans l’exercice de sa mission. 

Fin du mandat 

Le mandat prend fin en cas de :

  • rétablissement des facultés personnelles du mandant ;
  • placement du mandant en curatelle ou en tutelle ;
  • décès du mandant ;
  • décès du mandataire, son placement en curatelle ou tutelle ou sa déconfiture ;
  • révocation du mandataire prononcée par le juge des tutelles à la demande de tout intéressé.

L'habilitation familiale 

L’habilitation familiale a été créée par l’ordonnance du 15 octobre 2015 portant sur la simplification et la modernisation du droit de la famille. Il s’agit d’un nouveau dispositif destiné à protéger une personne majeure dont les facultés mentales ou corporelles sont altérées.

Plus souple au quotidien que la tutelle ou la curatelle, l’habilitation familiale permet à un proche du majeur hors d’état de manifester sa volonté, de le représenter pour la réalisation d’actes relatifs à ses biens ou à sa personne.

Quel proche peut se voir délivrer une habilitation familiale ?

L’habilitation familiale peut être délivrée par le juge au conjoint, au partenaire d’un PACS, au concubin, aux ascendants, descendants, frères et sœurs, après une demande de leur part. Les membres de la famille doivent s’accorder sur le choix du proche chargé de l’exercice de la mesure. Celui-ci exerce sa mission à titre gratuit.

Le juge peut également désigner plusieurs proches pour représenter la personne.

Quels sont les actes concernés ?

  • L’habilitation peut être spéciale, c’est-à-dire limitée à un acte ou plusieurs actes déterminés. Il peut s’agir d’actes relatifs aux biens ou à la personne du majeur protégé.
  • L’habilitation peut également porter sur l’ensemble des actes relatifs à la personne protégée. Elle est alors qualifiée d’habilitation générale.

Quels documents sont nécessaires ?

La requête se fait auprès du juge des tutelles. Elle doit être accompagnée des pièces suivantes :

  • copie intégrale de moins de 3 mois de l’acte de naissance de la personne à protéger ;
  • justificatif d’identité de la personne à protéger ;
  • certificat médical circonstancié d’un médecin inscrit sur la liste établie par le Procureur de la République
  • le cas échéant, contrat de mariage ou de convention de PACS de la personne à protéger ;
  • justificatif de domicile de la personne à protéger ;
  • copie de la pièce d’identité du requérant ainsi que de la personne souhaitant être habilitée, si ce n’est pas la même ;
  • justificatif du lien de parenté entre le requérant et la personne à protéger (copie de livrets de famille, etc.)
  • éventuellement le mandat de protection future établi par la personne à protéger.

Quand l’habilitation familiale prend-elle fin ?

Cette mesure prend fin :

  • en cas de décès (de la personne protégée ou du proche en charge de cette habilitation) ;
  • en cas d’ouverture d’une autre mesure de protection ;
  • en cas de jugement du tribunal remettant en cause cette habilitation ;
  • en cas d’absence de renouvellement de la mesure à l’issue de l’expiration ;
  • en cas d’habilitation spéciale (après l’accomplissement des actes pour lesquels l’habilitation avait été délivrée).

Si l’habilitation est générale, le juge fixe la durée de la mesure sans que celle-ci ne puisse dépasser 10 ans. A l’issue de ce délai, la mesure peut être renouvelée pour une durée de 10 ans. Un renouvellement pour 20 ans au maximum est possible lorsque l’altération des facultés personnelles n’apparaît manifestement pas susceptible de connaître une amélioration.